Auteur-compositeur-interprète né à Narbonne en 1913, Charles Trenet, l'irrésistible "fou chantant", est véritablement le père de la chanson moderne, celui qui met fin à la ritournelle à l'eau de rose, introduit le swing dans la musique et le surréalisme dans les textes.
Il débute sa vie professionnelle comme décorateur de cinéma, tout en écrivant des chansons. Après des débuts au sein du duo Charles et Johnny, qui écrira notamment
Vous qui passez sans me voir, créé par Jean Sablon, Charles Trenet écrit en 1937 - pendant son service militaire -
Je chante, le chef-d'œuvre délicieusement ambigu qu'il ne cessera d'interpréter pendant les cinquante années de sa future carrière.
1937 toujours, il compose
Y'a d'la joie. L'année suivante, Charles Trenet commence à se produire sur scène, enthousiasme les foules, gagne ses galons de "fou chantant", swingue, pianote, caracole, ébahit les salles charmées. C'est l'ovation, le miracle. Car Trenet introduit le rythme, la syncope, la frénésie, qu'il conjugue, mine de rien, avec une poésie nouvelle, véritablement moderne. Il joue avec les styles et les registres, passe de l'élégie à la dérision, de la polka au swing zazou, et enchaîne les chefs-d'œuvre au cours des années et des décennies :
La Folle Complainte
La Mer (1945)
L'âme des poètes (1951)
Papa pique et Maman coud (1953)
À la porte du garage (1955)
Il y avait des arbres (1970)
Fidèle (1971)
Petites scènes de la vie quotidienne, évocations du passé, personnages légers, immatériels, à peine esquissés, Trenet est magiquement pétillant.
Paroles, musiques, orchestrations, jeu de scène, couleur de l'interprétation, tout est en accord parfait. Quand la France s'est enflammée pour le jeune chanteur, dans l'ambiance de l'après-Front populaire, Trenet a livré à son public un mélange de province profonde et de jazz-band. Il a multiplié les coq-à-l'âne et jonglé avec les onomatopées sans que le texte perde de son sens ;
"Trenet, le chapeau en auréole, plane au-dessus des nuages, il vole et l'on ne sait pas exactement si c'est lui qui porte des ailes, ou si ce sont les ailes qui le portent", écrit Jean Cocteau.
Trenet, jamais démodé. Nombre de chanteurs, aujourd'hui, se proclament ses héritiers, Jacques Higelin, Souchon, Michel Jonasz... s'inspirent de lui, chantent ses chansons. Il monte en 1993 sur la scène de l'Opéra-Bastille pour fêter dignement ses quatre-vingts printemps, et pour le plaisir de trois générations ! Et sort un nouvel album en 1995,
Fais ta vie, qui a immédiatement traversé l'Atlantique. Harry Connick Jr, qui a déjà interprété
Que reste-t-il de nos amours en met l'un des titres,
De tout un cœur à son répertoire.
Un nouveau témoignage s'il en fallait, que depuis
Je chante, en 1937, l'univers de Charles Trenet n'a pas pris une ride.